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Comprendre la responsabilité des administrateurs à l’égard des taxes non remises

Siéger au conseil d’administration d’une société comporte d’importantes responsabilités, mais rares sont celles qui exposent personnellement les administrateurs à un risque financier direct aussi élevé que la responsabilité pour les retenues à la source non versées. Lorsque la société omet de remettre les retenues à la source sur la paie ou la TPS/TVH, l’Agence du revenu du Canada (ARC) peut passer outre le voile corporatif et tenir les administrateurs personnellement responsables de la dette. Ce régime vise à assurer la conformité en faisant répondre les décideurs de la société de ces fonds en fiducie.

Fondement législatif de la responsabilité des administrateurs (Loi de l'impôt sur le revenu, art. 227.1)

La responsabilité des administrateurs pour les taxes non remises est ancrée dans le droit fédéral. Le paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR) et la disposition parallèle de l’article 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) pour la TPS/TVH sont sans équivoque : les administrateurs d’une société, au moment où celle‑ci devait déduire, retenir ou remettre ces montants, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement du solde dû ainsi que des intérêts et pénalités afférents.

Cette responsabilité vise un large éventail de dettes fiscales de la société, notamment :

  • Les retenues à la source sur la rémunération des employés pour l’impôt sur le revenu, les cotisations au Régime de pensions du Canada (RPC) et les primes d’assurance‑emploi (AE).
  • L’impôt retenu sur les paiements à des non‑résidents, tels que dividendes, intérêts et redevances.
  • La TPS/TVH nette perçue auprès des clients mais non remise au gouvernement.

L’expression « solidairement responsables » signifie que l’ARC peut poursuivre un seul administrateur pour la totalité de la dette, laissant à cet administrateur le soin de réclamer une contribution à ses collègues du conseil (LIR, art. 227.1(7)). Cette responsabilité personnelle s’applique aux administrateurs de toutes les sociétés, y compris les organismes sans but lucratif, position que l’ARC a constamment réaffirmée.

La puissance de la fiducie présumée (Loi de l'impôt sur le revenu, art. 227(4))

Un concept clé soutenant la responsabilité des administrateurs est la « fiducie présumée ». En vertu de la LIR et de la LTA, les montants retenus sur la paie ou perçus au titre de la TPS/TVH sont réputés détenus en fiducie pour l’État, séparément des fonds propres de la société (LIR, art. 227(4)). Ce n’est pas une simple écriture comptable ; cela crée une super‑priorité en faveur de la Couronne sur les actifs de l’entreprise.

Ces fonds en fiducie n’appartiennent pas à la société et ne doivent jamais servir de fonds de roulement, même en période de difficultés financières. La fiducie présumée s’attache à tous les biens du contribuable, y compris ceux acquis ultérieurement, et confère à l’ARC la priorité sur presque tous les autres créanciers, y compris les titulaires de sûretés génériques. Lorsqu’une entreprise fait faillite, les administrateurs ayant permis l’utilisation de ces fonds en fiducie pour payer d’autres créanciers se retrouvent dans la ligne de mire de l’ARC.
Conseil de planification : recommandez à vos clients corporatifs d’ouvrir un compte bancaire distinct pour les retenues à la source et les remises de TPS/TVH. Cette séparation physique protège les fonds en fiducie contre une utilisation accidentelle et constitue une preuve claire de diligence raisonnable.

Quand l’ARC peut poursuivre un administrateur (Loi de l'impôt sur le revenu, art. 227.1(2))

La responsabilité des administrateurs est subsidiaire à celle de la société. L’ARC doit d’abord tenter de recouvrer auprès de la société elle‑même. Avant de pouvoir tenir un administrateur personnellement responsable, l’une des trois conditions suivantes doit être satisfaite :

  1. Un certificat constatant la dette de la société a été enregistré à la Cour fédérale et l’exécution de ce jugement est demeurée infructueuse.
  2. La société a entamé une liquidation ou dissolution et l’ARC a prouvé sa réclamation dans les six mois.
  3. La société a fait faillite et l’ARC a prouvé sa réclamation dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance de faillite.

Un délai de prescription essentiel s’applique : l’ARC ne peut intenter d’action contre un administrateur plus de deux ans après qu’il a valablement cessé d’être administrateur (LIR, art. 227.1(4)). Une démission efficace doit être dûment consignée et transmise à la société conformément à la loi constitutive. Un administrateur qui continue d’exercer ses fonctions après sa démission officielle pourrait être considéré comme administrateur de facto et demeurer exposé à la responsabilité.

La défense de diligence raisonnable (Loi de l'impôt sur le revenu, art. 227.1(3))

Le principal bouclier d’un administrateur est la défense de diligence raisonnable. Il ne sera pas tenu responsable s’il démontre qu’il « a exercé le degré de soin, de diligence et de compétence qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables » afin d’éviter le défaut de remise. C’est l’aspect le plus contesté de la responsabilité des administrateurs et la norme est élevée.

Les tribunaux ont établi qu’il s’agit d’une norme objective appliquée selon le contexte spécifique de l’administrateur. Facteurs clés :

Engagement actif : un administrateur ne peut être passif. La défense exige des actions positives pour prévenir le défaut de remise. Se fier uniquement à d’autres personnes, même compétentes, n’est pas suffisant sans un système de vérification.

Système de contrôle : un administrateur prudent met en place et surveille un système garantissant les remises. Cela peut impliquer la demande de rapports réguliers, l’examen des états financiers pour déceler des signaux d’alarme et la confirmation des remises effectuées.

Réaction aux difficultés financières : la norme de soin s’élève lorsque l’administrateur sait ou devrait savoir que la société est en difficulté. Il doit alors redoubler de vigilance quant aux remises. Utiliser les fonds en fiducie pour payer d’autres créanciers en espérant un redressement est précisément la conduite que la loi cherche à prévenir et anéantira presque assurément la défense de diligence raisonnable.

Administrateurs internes vs externes : bien que la norme soit objective, les tribunaux font une distinction : on attend davantage d’un administrateur interne impliqué dans la gestion quotidienne que d’un administrateur externe avec peu d’expertise financière. Toutefois, même ce dernier doit agir dès qu’il constate un problème.

Dans Lagacé c. La Reine (2012 CCI 117), les administrateurs ont été tenus responsables de la TPS non remise; leur argument voulant qu’ils s’étaient fiés à un comptable externe a échoué. À l’inverse, dans Rancourt c. La Reine (2008 CCI 285), un administrateur d’un OBNL sans grande expérience des affaires a été jugé avoir respecté la norme en prenant des mesures raisonnables, telles que la nomination d’un nouveau comptable.

Conseil de planification : l’importance d’une trace écrite ne saurait être surestimée. Les procès‑verbaux doivent consigner les questions régulières sur l’état des remises. Les administrateurs devraient documenter leurs demandes de certificats de conformité au CFO et les mesures prises pour résoudre les problèmes.

Conséquences des retards de paiement et pouvoir des privilèges

Les retards administratifs internes peuvent avoir de graves répercussions financières. Les délais à l’ARC pour transférer les fonds des comptes de la société ou de TPS vers le compte de paie peuvent déclencher d’importantes pénalités pour remises tardives, avec des retards pouvant atteindre un an. Cela peut entraîner directement l’imposition de pénalités et d’intérêts.

Cela illustre comment l’inefficacité opérationnelle peut déclencher les responsabilités qui incombent aux administrateurs. Lorsque la société est incapable de payer, l’ARC dispose d’outils puissants : outre l’évaluation des administrateurs, elle peut inscrire un privilège sur les biens du contribuable. Pour les retenues à la source non remises, la fiducie présumée confère à l’ARC une super‑priorité sur tous les actifs, même grevés de sûretés. L’ARC peut aussi émettre une Exigence de paiement, une saisie‑arrêt renforcée, obligeant les tiers débiteurs de la société à payer directement l’ARC.

Demander l’annulation des pénalités et intérêts (Loi de l'impôt sur le revenu, art. 220(3.1))

Lorsqu’un administrateur est évalué, il peut recourir aux dispositions d’allègement pour les contribuables, anciennement appelées « mesures d’équité ». Le paragraphe 220(3.1) de la LIR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et intérêts. La Circulaire d’information de l’ARC IC07‑1R1 prévoit trois situations principales d’allègement :

  1. Circonstances extraordinaires : événements hors du contrôle du contribuable, tels qu’un sinistre, une maladie grave ou un décès dans la famille immédiate.
  2. Actions de l’ARC : erreurs ou retards de l’ARC, notamment les « retards indus dans le règlement d’une opposition ou d’un appel ».
  3. Incapacité de payer ou difficultés financières : lorsque le paiement des intérêts empêcherait le contribuable de subvenir à ses besoins essentiels.

L’arrêt de la Cour fédérale Maloney c. Canada (Procureur général) (2024 CF 1474) illustre comment les actions de l’ARC peuvent justifier un allègement. L’opposition du contribuable y a mis plus de sept ans et demi à être réglée. Le tribunal a jugé déraisonnable le refus de l’ARC d’accorder un allègement des intérêts, notamment parce qu’elle n’avait pas tenu compte de ce « retard indu » selon ses propres lignes directrices. Il est contraire à l’équité procédurale pour l’ARC de ne pas fournir au contribuable les documents sur lesquels elle s’appuie, empêchant celui‑ci de connaître la preuve qu’il doit réfuter.

Conseil de planification : si un audit ou une opposition s’éternise et que la période de dix ans pour demander un allègement approche, un administrateur devrait déposer une « demande d’allègement préventive » auprès de l’ARC afin de préserver son droit de faire réviser pénalités et intérêts une fois le litige fiscal réglé.

POINTS CLÉS

Pour les administrateurs et les professionnels qui les conseillent, la gestion du risque de responsabilité personnelle pour les taxes de la société exige une gouvernance proactive et rigoureuse.

La responsabilité est personnelle et réelle : les dispositions de la LIR et de la LTA sont contraignantes. Les administrateurs ne peuvent se cacher derrière le voile corporatif pour les taxes de paie et la TPS/TVH non remises.

La diligence raisonnable est une défense active : le seul rempart fiable est un système de contrôle proactif et documenté. Les administrateurs doivent poser des questions, exiger des rapports et agir dès qu’ils détectent un problème.

Les fonds en fiducie ne sont pas du capital d’exploitation : les remises appartiennent à la Couronne. Les utiliser pour payer d’autres créanciers, même avec les meilleures intentions, mène directement à la responsabilité personnelle.

Le processus compte : assurez‑vous que les démissions prennent effet légalement pour déclencher le délai de prescription de deux ans. Comprenez les motifs d’allègement et utilisez les demandes préventives pour protéger vos droits durant les litiges prolongés avec l’ARC.

CET ARTICLE FOURNIT DES RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX UNIQUEMENT ET NE CONSTITUE PAS UN AVIS JURIDIQUE, FISCAL OU PROFESSIONNEL. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER DES PROFESSIONNELS QUALIFIÉS POUR LEURS SITUATIONS PARTICULIÈRES. LES LOIS FISCALES ÉVOLUENT FRÉQUEMMENT, ET LEUR APPLICATION DÉPEND DES FAITS PROPRES À CHAQUE CAS.


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